Transparence salariale : premier pilier de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

La transparence salariale s’impose aujourd’hui comme l’un des leviers les plus puissants pour réduire les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Longtemps perçue comme un sujet sensible, voire tabou, elle devient un axe stratégique de transformation pour les organisations françaises, sous l’effet conjugué d’attentes sociales fortes, de nouvelles obligations réglementaires et d’une culture managériale en évolution.

L’étude Apec de novembre 2025 apporte un éclairage précieux sur les perceptions, les pratiques et les défis à venir. Elle montre à quel point la transparence est attendue par les cadres, mais encore insuffisamment mise en œuvre par les entreprises, révélant un décalage majeur entre volonté d’équité, contraintes opérationnelles et réalité organisationnelle.

Chapô

Alors que la directive européenne 2023/970 sur la transparence salariale devra être transposée dans le droit français d’ici juin 2026, les entreprises doivent se préparer à un changement culturel profond. Ce texte — qui impose notamment la publication des fourchettes salariales, le droit à l’information des salariés et la justification des écarts supérieurs à 5 % — vise explicitement à lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes.

Loin d’être une contrainte administrative supplémentaire, la transparence salariale constitue le premier pilier d’une politique d’égalité durable. Elle ouvre la voie à une meilleure lisibilité des rémunérations, à la réduction des biais, à une attractivité renforcée et à un dialogue social plus mature. Encore faut-il comprendre ses enjeux, ses impacts et les conditions de sa mise en œuvre.

Transparence salariale : un levier central pour l’égalité professionnelle

Les écarts de rémunération persistent malgré le cadre légal

En France, le principe « à travail égal, salaire égal » est inscrit dans la loi depuis 1972, complété par l’Index Égalité professionnelle (loi Avenir 2018) et divers dispositifs de reporting. Pourtant, selon l’Insee, l’écart de rémunération femmes-hommes reste de 15 % en moyenne, et de 4,3 % à poste équivalent (Insee Focus, mars 2025).
Les mécanismes de discrimination indirecte, les trajectoires différenciées et la faible lisibilité des politiques salariales contribuent à maintenir ces écarts.

L’étude Apec : les cadres plébiscitent la transparence

Selon l’étude Apec 2025 :

  • 64 % des cadres français souhaitent que les salaires soient connus de tous au sein de l’entreprise.
  • 46 % jugent leur entreprise opaque sur les salaires, un niveau plus élevé qu’en Espagne, en Allemagne ou en Italie.
  • Cette perception est encore plus marquée chez les femmes (52 %) et chez les non-managers (60 %).

Ce besoin de visibilité est directement lié à l’équité : on ne peut réduire un écart que si on le connaît. Les cadres attendent davantage d’objectivité, de cohérence et de clarté, notamment dans les politiques d’augmentation et de promotion.

Pourquoi la transparence salariale agit réellement sur l’égalité femmes-hommes ?

Les recherches européennes démontrent que la transparence :

  • réduit mécaniquement les écarts salariaux en diminuant l’arbitraire
  • limite l’effet “pénalité salariale” souvent observé chez les femmes lors des négociations
  • impose aux entreprises de justifier et d’objectiver leurs décisions
  • favorise la mobilité interne et l’accès des femmes aux postes plus rémunérateurs

Dans les pays ayant déjà mis en œuvre des législations similaires (Islande, Allemagne, Espagne), les écarts femmes-hommes ont diminué dans les 3 ans suivant l’introduction de mesures de transparence.

Directive européenne sur la transparence salariale : ce qui change vraiment

La directive européenne 2023/970 représente un tournant. Elle va bien au-delà des dispositifs existants comme l’Index Égalité. L’étude Apec montre pourtant que seules 33 % des entreprises françaises en connaissent réellement les contours et que 74 % n’ont encore rien entrepris pour s’y préparer.

Obligation 1 : publier un salaire ou une fourchette dans toutes les offres d’emploi

  • Aujourd’hui, seules 46 % des entreprises publient un salaire.
  • 85 % reconnaissent que cette transparence renforce l’attractivité.
  • Pourtant, la pratique reste peu homogène, notamment dans l’industrie (32 %).

Cette mesure vise à réduire les écarts liés aux négociations individuelles, où les femmes sont historiquement désavantagées.

Obligation 2 : interdire la demande du salaire précédent

Actuellement, 60 % des entreprises interrogent encore les candidats sur leur salaire antérieur — une pratique qui creuse les inégalités, puisque les femmes arrivant d’entreprises moins transparentes ou moins équitables partent souvent avec un désavantage injustifié.

Cette question sera désormais totalement proscrite.

Obligation 3 : donner accès aux critères précis de rémunération

Les entreprises devront :

  • formaliser leurs critères (compétences, effort, responsabilités, conditions de travail)
  • les rendre accessibles à tous les salariés

Aujourd’hui, 49 % des cadres jugent opaques les critères d’augmentation.
Les grilles salariales, bien que fortement attendues, restent peu diffusées : seules 34 % des PME et 51 % des grandes entreprises les rendent accessibles.

Obligation 4 : droit à l’information sur les salaires internes

Les salariés pourront demander :

  • les rémunérations moyennes/médianes
  • des personnes occupant un “travail de valeur égale”
  • ventilées par sexe

Une obligation qui impose une structuration interne solide.

Obligation 5 : mesures correctives en cas d’écart injustifié de +5 %

Les entreprises concernées devront :

  • analyser les écarts
  • justifier leurs causes
  • mettre en place un plan de correction
  • associant les représentants du personnel

Un changement majeur, car il oblige à agir, et non seulement déclarer.

Obligation 6 : reporting élargi pour les entreprises de plus de 100 salariés

Selon le site de Bercy, le seuil pourrait descendre à 50 salariés dans la transposition française — ce qui impliquerait une montée en charge importante pour les TPE-PME.

Les défis RH identifiés par l’étude Apec : un changement culturel majeur

L’étude Apec met en évidence quatre défis majeurs que les entreprises vont devoir anticiper.

Un coût organisationnel et technique important

La mise en conformité implique :

  • un nettoyage et une analyse fine des données salariales
  • une révision des classifications internes
  • la formalisation de critères objectifs
  • des outils RH adaptés
  • la formation des managers

La charge est particulièrement lourde pour les PME dépourvues de fonction RH structurée. Plusieurs managers interrogés évoquent un besoin de ressources dédiées.

2 — La difficulté à justifier les écarts salariaux actuels

63 % des managers déclarent avoir du mal à expliquer les écarts de rémunération dans leurs équipes.
Les raisons souvent évoquées :

  • recrutements effectués en tension
  • arbitrages liés au marché
  • historique salarial interne
  • primes et avantages non homogènes

Ces écarts, tolérés aujourd’hui, deviendront beaucoup plus difficiles à défendre demain — notamment si l’écart dépasse 5 % sans justification objective.

3 — Des impacts potentiels sur le climat social

Les managers interrogés anticipent :

  • des tensions internes (62 %)
  • une baisse d’engagement (61 %)
  • des conflits directs avec les managers (52 %)
  • un risque accru de renégociations massives

Côté salariés :

  • 89 % renégocieraient leur salaire s’ils apprenaient qu’un collègue gagne plus
  • 60 % envisageraient de quitter leur entreprise

Les risques psychosociaux doivent être anticipés, au même titre que les impacts sur la cohésion.

4 — Une influence sur l’attractivité et la diversité des candidatures

Contrairement à une idée répandue, la transparence salariale ne favorise pas toujours la diversité.
L’étude Apec montre que :

  • 49 % des entreprises pensent que la transparence attire surtout les candidats motivés par l’argent
  • 38 % estiment qu’elle pourrait décourager de bons profils
  • certaines femmes s’autocensurent lorsque le salaire affiché est trop élevé

Le risque : restreindre le vivier de candidats.
L’enjeu : ajuster la communication RH pour accompagner cette nouvelle étape.

Conclusion

La transparence salariale s’impose comme un pilier essentiel de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Elle constitue un levier de justice, de performance et de confiance, capable de transformer durablement les politiques RH.

L’étude de l’Apec montre cependant que les entreprises françaises sont encore loin des attentes : opacité ressentie, faible préparation, manque de structuration interne, défis managériaux.

La directive européenne offre l’opportunité — parfois le choc nécessaire — pour repenser les classifications, objectiver les rémunérations, sécuriser les pratiques de recrutement et renforcer l’équité au sein des organisations.
Mais cette transformation ne peut réussir sans un accompagnement humain, méthodologique et opérationnel solide.

En tant que cabinet de conseil, notre rôle est précisément d’informer, d’éclairer et de guider nos clients dans cette transition, afin que la transparence salariale devienne non pas une obligation subie, mais un véritable levier de progrès, d’attractivité et d’égalité.

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